Imaginez.
Dress code : ALL WHITE.
Chemise blanche. Pantalon blanc. Socquettes blanches. Chaussures blanches. Veste blanche. Dans la poche blanche de la veste blanche une fleur blanche.
Vous êtes là, avec vos potes au teint blafard vêtus de blanc et vous êtes à la fois excité et un peu angoissé à l’idée de faire votre première Murder Party. Il est 21h30, on est à New York, c’était il y a 17 ans…
Comme dans un film. Il y a du grabuge dans la rue et vous ne vous entendez plus parler car les sirènes hurlent tous leurs décibels, comme pour vous pousser à trouver une forme de réconfort à l’idée de pénétrer dans ce lieu mystérieux. C’est Gena, la nouvelle copine de votre coloc, qui vous a glissé le flyer avec un sourire mi-figue mi-raisin, doublé d’un petit clin d’œil qui vous a flanqué une insomnie. C’est quoi ce plan ? Elle me veut quoi la Gena ?
Vous savez que vous avez les idées un peu mal placées, à 20 ans on est tout feu tout flamme toutes hormones alors vous ne vous formalisez pas et vous considérez que c’est une soirée à thème un peu ludique et basta.
Ca y est, enfin, le petit carré métallique sur la porte blindée s’ouvre et un genre de malabar black vous scanne du regard avant de vous engueuler : « Password ? »
OMG c’est pas une, pas deux, mais TOUTES ses dents qui sont en titane. Je sens mon estomac gargouiller je ne sais plus si j’ai faim ou si je suis en train de me liquéfier de l’intérieur.
Jérémy lui lance : ALL WHITE
Avec Gena accrochée à son coude faut dire qu’il en jette le gars, elle a dû lui dire à quoi s’attendre aussi, j’imagine que c’est pour ça qu’il semble aussi détendu.
La porte s’ouvre et on traverse un petit couloir sombre. Sur la gauche au fond un ascenseur. Terminator se retourne et nous jette : seventeenth floor !
Les portes s’ouvrent. Incroyable, l’ascenseur est tout BLANC !!!
A mesure que les étages défilent l’excitation monte et lorsque les portes s’ouvrent enfin au dix-septième étage, un vigile tout en blanc vous demande 20 dollars et vous tamponne un motif blanc réfléchissant sur le poignet.
Nous pénétrons ensuite un à un dans un second sas dans lequel une maquilleuse nous recouvre la peau d’un fond de teint blanc, le visage, les mains. Je passe en troisième sans savoir ce qui m’attend.
La session peinturlurage terminée, elle me glisse un petit pistolet à eau dans la poche en me susurrant : « You must kill Brenda ».
Au moment de m’ouvrir la dernière porte, la jeune femme s’illumine d’un franc sourire et me demande : « Ready ? ».
« Yes ! » que je lui réponds, avec toute l’assurance dont je dispose au moment où me traverse l’idée que mes dents vont ressortir bien dégueu au milieu de tout ce blanc. Faut que j’arrête le tabac à rouler…
La porte s’ouvre et là c’est le délire total : plus blanc que ça tu meurs, sans mauvais jeu de mot : canapés blanc, fauteuils blanc, murs blancs, sol blanc, verres blancs… On est à ce moment une vingtaine tous aussi blancs que blancs. Une grande sauterelle aux cheveux si noirs sur tout ce blanc me saute dessus : « Hey hello you, I’m Sally, and you, what’s your name ? ».
« Heu… Hello Sally, I’m Dennis ».
Elle entame la conversation, m’expliquant qu’elle doit parler en aparté à Mathias, si jamais je le croise…
La soirée se déroule et 30 minutes plus tard les suspensions murales s’éteindront pour laisser place à de la lumière noire.
C’est à ce moment-là que j’ai tout compris.
Je n’avais plus une minute à perdre…
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